En Europe, la maladie de Scheuermann toucherait 8% des seniors, selon une étude d’Armbrecht. Ce trouble, qui porte le nom de Holger Werfel Scheuermann, est en fait une cyphose structurelle de la colonne thoracique. Si la maladie se manifeste souvent par une légère inclinaison de la colonne thoracique, il peut s’agir aussi de graves déformations handicapantes voire mortelles. Certains patients n’auront aucun problème dans leur quotidien, d’autres rencontreront de plus graves difficultés, telles que l’amplification de la courbure de la colonne vertébrale, des douleurs chroniques, voire des troubles neurologiques, cardiaques ou pulmonaires. Les patients souffrant de MS présentent parfois aussi une scoliose. Mais dans les cas les plus graves, on parle de cyphoscoliose, c’est-à-dire l’association d’une scoliose avec la maladie de Scheuermann.

Qu’est-ce que la maladie de Scheuermann ?

Certains spécialistes ne considèrent pas la maladie de Scheuermann comme une maladie, mais tout simplement comme une anomalie de croissance qui favorise la flexion de la colonne thoracique. Normalement, celle-ci présente une cyphose de 20 à 40° pour équilibrer la colonne vertébrale et le squelette. Au cours de la croissance, si la partie antérieure de la vertèbre ne se développe pas aussi rapidement que sa partie postérieure, le corps vertébral se termine par une légère courbure, favorisant une cyphose de la colonne vertébrale. Cette situation peut faire apparaître une bosse directement sur la partie médiane de la colonne thoracique.

Plus concrètement, on entend par maladie de Scheuermann toute cyphose thoracique de plus de 40°, accompagnée de changements structurels au niveau du corps vertébral. Bien souvent, la difformité est indolore, bien qu’une douleur légère accompagne parfois les activités physiques intenses. Si elle évolue au fur et à mesure de la croissance, le mal de dos devient plus fréquent avec l’âge.

Décrite pour la première fois en 1920, « la maladie de Scheuermann est la cause la plus courante de déformation cyphotique chez les adolescents », d’après un essai de Mavrogenis A. et Soucacos P. en 2008. Elle peut se manifester de deux manières : la cyphose thoracique, la manifestation la plus courante, et la forme thoraco-lombaire, plus susceptible de persister à l’âge adulte. On rencontre parfois aussi une cyphose lombaire non progressive qui se soulage avec le temps et le repos, notamment en l’absence d’activités physiques. Bien souvent, la cyphose lombaire se manifeste lors des activités répétitives qui nécessitent une charge axiale sur la colonne vertébrale encore immature.

La Maladie de Scheuermann est souvent considéré comme une anomalie de croissance

La Maladie de Scheuermann est souvent considéré comme une anomalie de croissance

Les causes de la maladie de Scheuermann

A ce jour, l’étiologie de la maladie de Scheuermann est encore mal connue, mais d’aucuns pensent qu’elle est multifactorielle. Certains spécialistes avancent des théories qui s’appuient sur l’ostéoporose juvénile, le syndrome de malabsorption, l’infection, les troubles endocriniens et certains facteurs biomécaniques. Des études génétiques réalisées sur des jumeaux monozygotes et dizygotes ont démontré une hérédité de 74%. Cela a permis à Mavrogenis A. et à Soucacos P. d’affirmer que « la maladie de Scheuermann peut être d’origine familiale ». Enfin, beaucoup d’autres théories ont été avancées pour inclure des causes mécaniques, métaboliques et endocriniennes, mais la vraie cause de la pathologie de Scheuermann reste encore floue.

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Les symptômes connus de la maladie de Scheuermann

Dans son essai intitulé La cyphose juvénile de Scheuermann, Sorenson nous parle des critères qui permettent de détecter les symptômes de la maladie de Scheuermann : trois vertèbres adjacentes ou plus doivent être calées à 5° ou plus, le tout sans apparition de troubles congénitaux, infectieux ou traumatiques de la colonne vertébrale.

Comme nous l’avons mentionné, les patients souffrant de la maladie de Scheuermann présentent une cyphose structurelle progressive tout au long de la période d’adolescence : le diagnostic identifie une progression rapide entre 12 et 17 ans. Si le premier signe révélateur sera une posture altérée, d’autres symptômes pourront rarement apparaître : une flexion du sommet de la colonne vertébrale, des épaules arrondies, des contractures de flexion de l’articulation de l’épaule et de la hanche. Un raccourcissement significatif des ischio-jambiers, une lordose lombaire et un arrondissement significatif de l’abdomen peuvent également être détectés. Tout au long de la progression de la maladie, des symptômes plus ou moins visibles peuvent aussi apparaître :

  • douleurs dorsales intermittentes,
  • rigidité musculaire,
  • fatigue surtout à la fin de la journée,
  • flexibilité du torse anormale.

Dans les cas les plus graves, les fonctions cardiaques et pulmonaires peuvent être altérées, en présence ou non de symptômes neurologiques sévères. Il faut savoir que ces symptômes sont cependant extrêmement rares.

En outre, les patients souffrant de la maladie de Scheuermann peuvent aussi se plaindre de leur incapacité physique : certains se plaindront même de ne pouvoir réaliser de l’exercice physique, d’aller au travail voire de participer aux tâches quotidiennes. Cette réticence peut être due à leur difformité ou à la gêne associée à leur apparence physique.

Typiquement, la douleur augmente avec l’activité et se soulage avec le repos. « La déformation de la colonne vertébrale est généralement perpétuelle, contrairement à la cyphose posturale », d’après Robert J. Moore en 2006. Il est également possible qu’on constate une pigmentation progressive de la peau cutanée sur la partie la plus touchée par la maladie de Scheuermann.

Gare aux efforts inconsidérés

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Le diagnostic de la maladie de Scheuermann

Pour rappel, Sorenson a évoqué deux critères indissociables à la maladie de Scheuermann :

  • au moins 3 vertèbres adjacentes sont calées à 5° ou plus ;
  • aucun symptôme de troubles congénitaux, infectieux ou traumatiques de la colonne vertébrale.

De son côté, Drummond a parlé de 2 vertèbres calées qui permettent de détecter la maladie de Scheuermann. Bradford, lui, avance un critère reposant sur une cyphose de 5° ou plus. Ce critère permet de mieux contrôler la déformation et de traiter à temps la maladie de Scheuermann.

Pour le diagnostic, les médecins préfèrent généralement le recours à des radiographies latérales qui se concentreront sur trois paramètres :

  • l’angle de Cobb pour l’analyse de l’amplitude de la courbe,
  • l’angle de coin antérieur des vertèbres de l’apex,
  • et l’inclinaison de la paroi postérieure des vertèbres inférieures.
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En outre, l’inclinaison des parois antérieure et postérieure, qui traduisent la déformation trapézoïdale de la vertèbre, semblent indiquer, de manière plus fiable, des altérations et des réponses au traitement orthopédique.

Rappelons toujours que la manifestation la plus significative de la maladie de Scheuermann est la cyphose thoracique. Bien souvent, cette dernière s’accompagne d’une hyperlordose lombaire ou cervicale. La lordose cervicale peut être amplifiée par une protrusion du tronc : les épaules sont pour la plupart positionnées en avant. Toutes ces anomalies peuvent être accompagnées d’une scoliose légère voire modérée.

En règle générale, l’examen médical consiste à plusieurs étapes :

  • évaluation posturale : examen de la posture de la vue antérieure, postérieure et latérale ;
  • dépistage neurologique : la moelle épinière peut parfois être étirée sur la face postérieure du corps vertébral au sommet de la courbure, ce qui provoque souvent des signes neurologiques d’une paraplégie imminente ;
  • test d’Adam ou test de flexion antérieure du tronc : la cyphose de Scheuermann est susceptible d’être accompagnée d’une scoliose. La scoliose structurelle ou fonctionnelle peut être diagnostiquée à travers le texte de flexion antérieure ;
  • test de longueur musculaire : la maladie peut s’accompagner de contractures de l’épaule et de la hanche antérieure ;
  • test de force musculaire : le médecin peut évaluer la force des abdominaux, du tronc, des extenseurs voire des muscles fessiers.
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Les procédures de traitement courantes

Le traitement chirurgical de la cyphose de Scheuermann est rarement nécessaire. Pourtant, c’est le seul moyen de réduire significativement la déformation. En tout cas, le choix de la procédure de traitement dépend de la gravité et de la progression de la courbure, de l’âge du patient et des symptômes visibles.

La gestion opératoire est généralement préconisée pour les adolescents présentant les symptômes suivants :

  • cyphose progressive à plus de 70° ;
  • mal de dos insensible à un traitement conservateur ;
  • déformation physique pouvant mener à une perte de confiance en soi et de l’estime de soi ;
  • symptômes neurologiques progressifs.

Le traitement chirurgical inclut généralement l’arthrodèse spinale postérieure avec ou sans libération de la colonne vertébrale antérieure par thoracotomie. Par ailleurs, chez les adolescents et jeunes adultes, la chirurgie peut être envisagée en cas d’évolution apparente, d’une douleur réfractaire, d’une perte de l’équilibre sagittal ou d’un déficit neurologique.

En fonction de la flexibilité de la courbe, dès lors détectée par des films spéciaux, une approche chirurgicale en une ou deux étapes peut être entreprise. Si la cyphose est assez rigide, une approche antérieure similaire à celle de la scoliose peut être réalisée. D’habitude, les médecins optent pour une approche thoracoscopique ou endoscopique avec une chirurgie mini invasive (CMI). Cette méthode permet souvent d’éviter une thoracotomie complète, qui nécessite l’ouverture de la poitrine ainsi que la libération de la colonne vertébrale et des disques pour une meilleure correction.

Après libération de la colonne vertébrale, ou si la déformation réagisse aux rayons X, une fusion postérieure peut être réalisée à l’aide de bâtonnets semblables à ceux de la scoliose, permettant au chirurgien de manipuler l’arrière du rachis et ainsi de corriger la déformation. La colonne vertébrale est ensuite fusionnée avec une greffe osseuse du bassin. Le patient se portera bien si la difformité est corrigée de façon adéquate et que la fusion se poursuit naturellement.

Colonne vertébrale,centre névralgique des maux de dos

Colonne vertébrale, centre névralgique des maux de dos

Le contreventement est largement considéré comme le plus efficace dans le traitement de la maladie de Scheuermann, notamment chez le patient à squelette immature, présentant une courbe cyphotique de plus de 45°. En revanche, de nombreuses études ont démontré que le même procédé n’est pas du tout efficace chez les patients qui ont déjà atteint la maturité squelettique.

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Si le contreventement a été utilisé principalement pour le traitement de la difformité, les résultats du traitement orthopédique, pour soulager la douleur, ne sont pas encore clairs. Par ailleurs, on a aussi recours au contreventement pour réduire la tension sur la paroi antérieure du corps vertébral. Les résultats globaux du traitement orthopédique semblent renouvelables et promettent une correction permanente de la déformation vertébrale.

On constate que le traitement orthopédique est presque toujours réussi chez les patients atteints de cyphose de 55 à 80°, à condition que le diagnostic soit réalisé avant la maturité squelettique. Chez les patients symptomatiques, une cyphose plus conséquente n’est presque jamais traitée efficacement sans avoir recours à la chirurgie :

  • le traitement par contreventement a quelques défauts : plus le temps de calage est conséquent, plus la probabilité de provoquer une lombalgie est grande ;
  • chez les adolescents, la conformité est généralement faible.

Idéalement, le traitement par contreventement devrait commencer du début de la puberté pour s’étendre pendant environ deux ans et être retiré à la fin de la maturité squelettique. Les orthèses doivent être portées 22 à 24 heures par jour pendant les 12 à 18 premiers mois, et durant la nuit jusqu’à ce que le patient atteigne l’âge de maturité squelettique. Parmi les équipements indispensables au traitement de contreventement, citons l’orthèse de Milwaukee, l’orthèse de Gschwend, l’orthèse cyphologique et l’orthèse SpinoMed. D’autres méthodes de contreventement ont été essayées auparavant, comme l’utilisation d’une ceinture souple ; mais elles n’ont jamais réussi. Avec un équipement souple, aucune correction ne peut être appliquée aux courbures rigides.

La littérature médicale mentionne rarement la physiothérapie comme un traitement efficace contre la maladie de Scheuermann. Néanmoins, de nombreux médecins font recours à la physiothérapie dans certains cas particuliers.

D’une manière générale, le traitement de la maladie de Scheuermann dépend de l’âge du patient, de la gravité et de la progression de la cyphose, et de la présence ou non de douleur. Dans le cadre d’une amélioration posturale, la physiothérapie a fait ses preuves, en mettant l’accent sur l’étirement des ischio-jambiers et des pectoraux, ainsi que le renforcement des extenseurs du tronc et l’amélioration de la fonction. Ces exercices physiques peuvent être efficaces, notamment lorsque la colonne thoracique n’est pas suffisamment raide et que la courbe sagittale n’est pas trop conséquente. En règle générale, l’angle de Cobb favorable à une physiothérapie s’établit entre 44 et 55°.